VINCENT MIALLE

SEPTEMBRE
MA GALERIE SONORE

MA GALERIE SONORE est un espace virtuel dédié à l’art radiophonique lancé la saison dernière. Entre septembre et juin, des personnalités, réalisateurs et réalisatrices, artistes et radios complices proposent une sélection coup de cœur de trois œuvres audio ou émissions à l’écoute sur mascenenationale.eu et radioma.eu.

VINCENT MIALLE

SEPTEMBRE
MA GALERIE SONORE

MA GALERIE SONORE est un espace virtuel dédié à l’art radiophonique lancé la saison dernière. Entre septembre et juin, des personnalités, réalisateurs et réalisatrices, artistes et radios complices proposent une sélection coup de cœur de trois œuvres audio ou émissions à l’écoute sur mascenenationale.eu et radioma.eu.

francebleu.fr/belfort-montbeliard

« Né avec de grandes oreilles », selon ses propres mots, Vincent Mialle était prédestiné à travailler dans l’audio. Il a parcouru la France et une partie du monde pour réaliser, enregistrer, mixer des émissions de radio et des albums. Il est actuellement responsable des programmes de France Bleu Belfort-Montbéliard.

Vincent Mialle est Responsable des programmes à France Bleu Belfort-Montbéliard. Il a auparavant été producteur pour la radio Le Mouv’ (1999-2017) et a cofondé les studios SOUNDS à Maurice.

Vous dites qu’avec des grandes oreilles vous étiez prédestiné à la radio, mais au-delà de ça, comment y êtes vous entré, dans ce monde radiophonique ?
Vincent Mialle : J’arrive dans le monde de la radio de façon assez classique en faisant des remplacements dans ce qu’on appelle à l’époque les radios locales de radio France, puis, petit à petit, je me suis fait ma place jusqu’à atterrir sur Le Mouv’. La particularité de cette radio, c’est d’être la première radio nationale décentralisée puisqu’elle était basée à l’époque à Toulouse. Autre spécificité, c’est la toute première radio entièrement numérique d’Europe. Nous sommes en 1998, et déjà, il n’y a plus de disques, les studios n’ont que des ordinateurs partout. Un peu plus tard, je finis par signer un CDI et je m’occupe alors de tranches un peu particulières, les vendredi, samedi et dimanche de 20h à minuit. C’est de la radio de nuit où je passe des lives électros très pointus, de la world, etc. Puis en voulant évoluer un peu, je commence à m’occuper d’émissions d’info, ce qui me fait participer aux conférences de rédaction et découvrir d’autres aspects de la radio.
En 2003/2004 on me demande de lancer une émission rock d’une demi-heure qui s’appelle Metal Academy et qui cartonne avec une ambiance délirante et débile menée par McFly et Carlito, alors à leurs débuts. Puis Le Mouv’ prend progressivement le tournant rap et je ne me vois pas à quarante ans essayer de faire croire que c’est ma culture, alors je rejoins avec d’autres collègues du Mouv’ la toute nouvelle antenne de France Bleu Toulouse.

Justement, le premier podcast de la sélection sur les commandos Kieffer est issu du réseau France Bleu, vous pouvez nous en parler ? Dans quelle mesure vous pensez que les productions de ces radios « locales » bénéficient d’un nouvel éclairage national, grâce à l’écoute en podcast ? 
V.M. : Le terme qu’on utilise dans le milieu, c’est : non-linéaire et on considère que la radio, c’est le média linéaire. Quant à votre question, pour moi, il y a une bascule qui se fait avec Affaires sensibles. C’est une émission de 50 minutes, qui est diffusée en linéaire et qui, surtout, est réalisée en direct. C’est une vrai prouesse, c’est énormément de travail en amont. C’est l’un des podcasts les plus écoutés et aussi l’un de ceux qui demandent le plus d’énergie à son équipe. Crimes et témoignages, que j’apprécie beaucoup, s’est inspiré du même principe (le récit de faits divers) mais d’un point de vue local, raconté par des gens qui étaient en local à l’époque des faits. Ça n’est pas rien, c’est un autre angle que la vision depuis Paris. Quant au choix de cette série sur le commando Kieffer dans ma galerie c’est simplement que j’écoute globalement beaucoup de choses liées à l’histoire : c’est une passion personnelle. Et en l’occurrence, j’ai aussi travaillé avec la voix que l’on y entend. Cette histoire est un fait méconnu de la Seconde Guerre mondiale, une histoire qui a 80 ans aujourd’hui. Depuis la création d’Arte, il y a beaucoup de choses produites sur la seconde dernière mondiale mais ces 150 mecs qui partent retrouver De Gaulle à Londres, j’ai trouvé ça hyper intéressant dès le premier épisode. Ça renvoie à la question : qu’est-ce que j’aurais fait, moi ? est-ce que moi aussi j’aurais traversé la manche ? sans savoir où tout ça allait ? Je trouve qu’il y a une résonance très intéressante avec les temps qui sont les nôtres, avec les deux dernières années. Et puis c’est très bien fait. Moi qui écoute plutôt des 50 minutes habituellement, j’ai été complètement pris par ce format court de 15 minutes, avec des bonus qui approfondissent, et que j’ai tous écoutés !

Dans le même mouvement de cette passion pour l’histoire, si on suit votre sélection, on écoute Face à l’histoire. C’est une grosse collection de récits autour de figures qui ont marqué l’histoire, politiques, littéraires, militaires... 
V.M. : Effectivement, il faut que je regarde la liste mais ça va forcément être un peu redondant. Là je viens de sortir de l’écoute des épisodes sur le général Leclerc, encore la seconde guerre mondiale. Mais ce qui me plaît là-dedans, au-delà des sujets, c’est la façon de parler. En fait, c’est la bonne façon de me parler. Je trouve que Philippe Collin est vraiment très bien, j’aime la manière dont il hiérarchise malgré le fil linéaire du récit qui fait parfois 9h d’émission. C’est un travail énorme de documentation, de recherche, d’intelligence, d’écriture. On le suit et à un moment il y a quelque chose, un détail, un à côté, dont il trouve qu’il est intéressant de parler. Il y a cet aspect là aussi dans une émission qui n’a rien à voir et qui s’appelle Le code a changé sur France Inter. Un des enjeux c’est que par exemple sur Napoléon, ils n’ont aucun extrait sonore ! Ils sont obligés de se référer à des textes, à des films, à des extraits de la culture pop, etc. J’ai commencé à écouter Face à l’histoire avec l’épisode sur Pétain. Comme beaucoup de monde, je n’avais pas tellement de connaissances sur Pétain, alors je me suis dit que ça pouvait être bien d’écouter ça. Là encore c’est extrêmement bien fait parce que naturellement, s’est facile de dire du mal de Pétain. Mais repartir de sa naissance, montrer la construction mentale de ce gars, essayer de voir ce qui se passe dans sa tête, les raisonnements qu’il a peut-être eu, je trouve ça très intéressant. J’aimerais bien écouter ceux sur Céline aussi, parce que je ne sais rien de lui non plus, mais j’ai quand même besoin de changer un peu d’air, alors quand je vois quelque chose comme Molière, ou bien un thème historique médiéval par exemple, je me lance !

Petite particularité de cette galerie que vous nous livrez, c’est que vous nous conseillez un podcast qui n’est pas encore paru. Il s’agit de Chaînon manquant, un podcast produit par le studio de podcasts Elson et qui sera publié le 8 octobre. Vous avez donc la lourde tâche de nous rendre impatients, qu’est-ce que vous pouvez nous en dire ?
V.M. : Eh bien, la narratrice principale, qui s’appelle L’Abeille dans le podcast, a été mon animatrice sur Le Mouv’ pendant 4 ans. C’est une boule d’énergie, quelqu’un d’assez brillant dans son domaine et elle a quitté Radio France pour monter Elson. Il se trouve qu’elle est née-sous-X et que Chaînon manquant parle de ça.
L’histoire c’est qu’un jour à la radio elle entend Olivier Rousteing qui explique ce que ça implique pour lui d’être né-sous-X. À cette époque là, elle avait monté une petite boite où elle avait deux personnes avec elle. Elle les retrouve et leur dit qu’elle est un peu KO parce qu’elle vient juste d’écouter Rousteing et qu’étant elle même née-sous-x, ça l’a un peu séchée. Et là, il y a une des deux collègues qui s’étonne et qui lui dit qu’elle aussi, elle est née-sous-X. Et l’autre collègue, la troisième, enchaîne et leur annonce qu’elle aussi ! Il faut se rendre compte qu’il y a seulement 700 personnes qui naissent officiellement sous-X chaque année en France et là elles se retrouvent à trois dans le même bureau. Et pour L’Abeille, en avoir embauché deux, forcément, ça l’interpelle. Elle s’est dit qu’il y avait un truc et elle s’est mise à en parler beaucoup plus ouvertement. Puis à force de collecter des témoignages, elle en a fait une série sur cet espèce de manque, cette persistance d’un besoin de savoir, les fêlures qu’il y a dans leurs vies même lorsqu’elles sont très heureuses. Elle m’a fait écouter les pré-productions pour que je lui donne mon avis et j’ai trouvé ça très bien. Très bien mis en ondes en particulier, mais simplement très beau aussi. Émotionnellement, c’est très fort et ça touche un sujet qui n’est pas forcément grand public. Personnellement, je n’ai pas eu d’enfants biologiques, j’ai élevé la fille de quelqu’un avec qui j’ai vécu et bizarrement ça m’a parlé, cette interrogation sur le rapport aux origines. Et puis c’est une démarche qui est tellement personnelle que ça pourrait difficilement être diffusé sur une radio. Sans le podcast ça, ça n’existe pas ! J’ai écouté trois fois toute la série, et les trois fois, je lui ai dit : tu m’as quand même arraché une larme. Et c’est pas facile de m’arracher une larme !

Votre parcours, que nous n’avons pas terminé d’explorer, que dit-il de votre rapport au son ?
V.M. : À un moment j’en ai eu vraiment marre de la radio et je me suis mis 3 ans en disponibilité pour rejoindre un copain et monter un studio d’enregistrement à Maurice, au sein d’un hôtel. J’ai fait ça, la production avec le studio, travailler le son d’un disque avec ces outils, et Ann Ga, que j’ai mis en choix « bonus », c’est le premier disque qu’on a enregistré là-bas. L’artiste est solaire, elle fait une pop très réussie, et je trouve l’album très très bien mixé (ça n’est pas moi qui l’ai mixé !). 
Comme beaucoup, entre 15 et 25 ans j’ai avalé beaucoup de musique et c’est la musique qui m’amène au son : qu’est-ce que c’est ? comment ça marche ? Ça m’intéresse et de fil en aiguille, d’IUT, en écoles, en formations, je finis par trouver une voie où il y a une porte qui s’ouvre sur la radio. Je me dis que ça a l’air rigolo alors j’y vais et le fait est que je me suis éclaté ! Je suis né en 72, je suis de la génération qui a grandi avec la libération des radios de 1981 de façon aussi « naturelle » que les gamins ont un téléphone portable aujourd’hui. Alors j’ai intégré ce milieu-là avec beaucoup d’envie et au-delà de la musique j’ai découvert toute la partie reportage, la mise en onde. C’est à dire comment on fait, à partir de plusieurs éléments, pour fabriquer un programme qui a du sens. Un peu comme dans un set de DJ, on ne joue pas n’importe quel morceau n’importe quand, on hiérarchise, on structure pour ce soit digeste pour les oreilles de quelqu’un. L’enjeu c’est de capter un maximum l’attention sur des moments clés, d’apporter un contenu peut être un peu moins fort par moments mais vraiment fort à d’autres qu’on veut donc mettre en avant. Il faut travailler les lancements, le wording, toutes ces mécaniques propres à la radio. Il faut être hyper pointus sur des tout petits détails pour que lorsqu’on l’écoute, sur une heure, on n’a pas vu l’heure défiler. Ça, ça m’a passionné : fabriquer des formats spécifiques et surtout, des formats longs. Par exemple, on avait récupéré la seule interview européenne de Bjork au moment où elle a sorti Vespertine et là j’ai des patrons qui me disent que j’ai 48 heures pour sortir une émission d’une heure. D’un côté j’ai les sons de l’album de Bjork mais pas d’habillage ni rien, et de l’autre une animatrice qui écrit les micros. En 48h on a sorti une émission qui est partie chez Barclay. C’était une expérience géniale !

Entretien réalisé par Adrien Chiquet avec Vincent Mialle
Septembre 2024

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