JEAN-FRANÇOIS VERDIER

OCTOBRE
MA GALERIE SONORE

MA GALERIE SONORE est un espace virtuel dédié à l’art radiophonique lancé la saison dernière. Entre septembre et juin, des personnalités, réalisateurs et réalisatrices, artistes et radios complices proposent une sélection coup de cœur de trois œuvres audio ou émissions à l’écoute sur mascenenationale.eu et radioma.eu.

JEAN-FRANÇOIS VERDIER

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orchestrevictorhugo.fr

Chef d’orchestre, compositeur, soliste (Opéra de Paris) et enseignant (CNSMD de Paris), Jean-François Verdier est présenté comme « un musicien au talent hors norme », invité aux quatre coins de la planète. Directeur artistique de l’Orchestre Victor Hugo, il l’a mené à une dimension nationale, régulièrement cité par la BBC, The TimesSWR ou Arte.

Clarinettiste, chef d’orchestre, enseignant et compositeur, Jean-François Verdier est directeur artistique et chef de l’Orchestre Victor Hugo depuis 2011.

En 2011, Jean-François Verdier, accompagné de Jérôme Thiébaux, prenait la direction de l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté, né de la fusion de deux orchestres. Ce moment a coïncidé avec le rapprochement des quatre structures formant MA scène nationale, offrant ainsi aux deux directeurs, Jean-François Verdier et Yannick Marzin, l’opportunité d’explorer de nouvelles perspectives. Ensemble, avec le soutien de Christine Schell, alors conseillère musique et danse à la Direction régionale des affaires culturelles, ils ont imaginé une collaboration inédite en France entre une scène nationale et un orchestre. 
Cette initiative a également inspiré Les Deux Scènes, scène nationale de Besançon, à reproduire un partenariat similaire. L’objectif était d’intégrer une saison symphonique au sein de MA et de rendre la musique accessible à l’ensemble des habitants du Pays de Montbéliard. 
Après près de 14 ans d’existence, cette collaboration perdure, avec de nombreux projets toujours accueillis avec enthousiasme, comme des concerts avec des artistes pop, des propositions familiales, la participation aux Green Days, les rencontres lors des Salons de Sponeck... Le point d’orgue de cette association reste sans doute le concert du Nouvel An à l’Axone, qui permet à plus de 3 000 spectateurs de vivre un moment grandiose porté avec brio par Verdier accompagné de musiciens hors pair.


Entretien réalisé par Adrien Chiquet avec Jean-François Verdier
Octobre 2024

Est-ce que c’est ce qui vous amène à choisir un titre de Supertramp dans votre sélection ? C’est une sorte d’illustration du projet de l’orchestre ou bien c’est votre goût personnel ?
Jean-François Verdier : C’est totalement personnel ! C’était mon groupe préféré quand j’étais gamin. Je n’étais pas en âge d’écouter les premiers disques, mais je les ai découverts après. J’étais complètement fasciné par ce groupe, notamment parce qu’il me semblait être une passerelle évidente entre plusieurs genres et, de surcroît, une passerelle de qualité. Il y avait des morceaux qui ressemblaient franchement à des symphonies, des choses qui ne se chantent même pas. Il y avait des instrumentaux super longs, un univers harmonique choisi, etc. On voit que ce sont des gens qui savent jouer, qui savent écouter et qui savent écrire. Tout ça sans aucun bling-bling et sans aucune démagogie. Je trouve ça très frais. Et puis dans le groupe, il y avait John Helliwell, saxophoniste et clarinettiste, dont je connaissais note pour note toutes les parties. Je jouais déjà de la clarinette et j'essayais de tout rejouer. D’ailleurs, même maintenant, quand je les entends parfois puisque c’est un peu revenu à la mode, je me rends compte qu’ils sont encore gravés dans ma mémoire. Et quand je les réécoute, je me dis que j’avais raison, parce que le « vieux » que je suis devenu leur trouve toujours les mêmes qualités. 

C’est cette simplicité et cette fraîcheur apparentes, que vous aimez chez Mozart que vous proposez dans votre sélection avec une de vos interprétations ?
J.F. Verdier : Effectivement, il y a des liens. C’est assez difficile de faire une bonne chanson, de trouver les quelques notes qui font que tout de suite ça va toucher les gens et qu’ils vont s’en rappeler. La preuve, c’est qu’il y a des milliers de chansons qui ont été écrites et qu’il y en a beaucoup qui ne valent pas grand-chose. Alors oui, il y a ce talent-là chez Supertramp ou chez Michael Jackson, par exemple. Et chez Mozart il y a aussi ça. On a l’impression de découvrir quelque chose qui coule de source, comme si quelqu’un venait vous expliquer ce que vous aviez déjà à l’intérieur. C’est quelque chose de tout à fait étonnant. Quelqu’un qui déroule des notes que vous n’avez jamais entendues, mais qui vous donne l’impression que vous les aviez déjà en vous, encore plus profondément que vous n’auriez pu l’imaginer. Et cela avec une grande simplicité, sans mettre de la crème partout ! J’ai toujours trouvé ça fantastique et ça fait constamment partie de ma recherche en tant que musicien, retirer tout ce qui pourrait déranger pour ne garder que l’essentiel.
Une autre similitude que je vois entre Supertramp et Mozart c’est que bien que It’s Raining Again soit basé sur une ritournelle dansante, qui rentre bien dans la tête, le texte est plutôt triste et nostalgique. Chez Mozart, c’est absolument typique, la fête et le tragique ne sont jamais loin l’un de l’autre. Ce mélange-là est d’une grande richesse, et parle à nos vies qui sont un peu faites comme ça. Tous les opéras de Mozart sont faits comme ça. Et dans les concertos c’est exactement pareil : c’est toute la vie qui est là-dedans. Contrairement à Mahler qui disait de ses propres symphonies que toute la nature était dedans, chez Mozart, ce n’est pas la nature, ce sont les gens, c’est toute l’humanité qu’il dépeint. Deux notes de Mozart et on a l’impression que personne d’autre n’aurait pu les écrire comme ça, c’est le miracle Mozart.

Et pour votre troisième proposition, Aguas de Março de Tom Jobim, on peut continuer cette trajectoire. Toujours plus simple, toujours plus efficace. C’est le même esprit selon vous ?
J.F. Verdier : Pas tout à fait. J’ai eu deux grands chocs musicaux en Amérique du Sud. D’abord, comme tout le monde : le tango avec Piazzolla alors que j’étais à Buenos Aires. Il y avait encore à l’époque une controverse entre les partisans du tango ancien et les partisans du tango nuevo, c’est-à-dire celui de Piazzolla, les premiers considérant qu’il avait trahi la cause. Donc, la première fois que j’entends parler de Piazzolla, que j'aime tant, c’est en tant que traître à la tradition. Le deuxième choc, c’est quand je suis allé au Brésil. Je n’ai pas découvert que la samba et la bossa nova, mais aussi des choses un peu plus anciennes, comme le choro, par exemple. Pour autant, le principe de la musique brésilienne était déjà là, cette espèce de douceur, cette façon de faire tout petit, ces guitares qu’on touche à peine... Il faut un peu de percussion, un peu de voix, pas beaucoup de notes, pas beaucoup d’improvisation, très peu de choses. C’est à la fois très intime et extrêmement chaleureux. Là aussi, ça me touche directement. Pour Aguas de Março, c’est vraiment cette version, le duo entre Elis Regina et Tom Jobin, qui me touche. Je trouve extraordinaire ce qui se joue entre lui, qui l’a écrite et qui est un peu plus âgé, et elle, qui est toute jeune et qui a cette vivacité, ce cristallin dans la voix. Elle chante super juste, magnifiquement bien. Il y a un rythme interne qui est extraordinaire, sans batterie derrière, sans boite à rythme, rien du tout, c’est juste le sens inné du rythme et c’est avec ça qu’ils jouent tous les deux. On sent leur amitié et on sent qu’ils sont vraiment réunis par un talent pur qui je trouve est très joli à voir. Ça contraste complètement avec le côté tango que l’on peut voir en Argentine, avec cette fierté affichée, y compris chez Piazzola, où il y a aussi beaucoup d’intelligence, de travail, de complexité, une certaine violence aussi. Là, pas du tout. C’est comme un relâchement complet, un abandon au rythme, que je trouve vraiment magnifique. Ça fait partie des chansons qui, de temps en temps, reviennent dans ma vie, et à chaque fois, très clairement, me font du bien en 30 secondes. Il y en a quelques-unes comme ça, j’aurais pu en mettre plein d’autres qui me plaisent, mais effectivement, ces deux-là, Aguas de Março et It’s Raining Again, ça résume très bien, vraiment ce que j’aime le plus.

Il me semble que ça fait une fin parfaite à cet entretien…
J.F. Verdier : Je voudrais quand même faire comprendre que, quand je dis que c’est ce que j’aime le plus, ce n’est pas forcément ce que j’aime le plus de manière théorique, comme si je faisais un classement. Mais, dans ces trois musiques que j’ai choisies pour cette sélection, il y a un point commun. Dans les trois, on cherche quelque chose d’assez simple, qui parle des gens, qui parle de l’humanité des gens. Voilà, c’est ça que j’aime dans la musique, plutôt que beaucoup d’autres choses. S’il y a ça, moi, je suis déjà content. Et ça n’est pas si courant.

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